Traquer l’ingérence russe pour saper la démocratie en Afrique

Les efforts systématiques de la Russie pour saper la démocratie en Afrique ont entravé le développement démocratique dans deux douzaines de pays.


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Le recul de la démocratie en Afrique fait l’objet d’une grande attention ces dernières années. Selon Freedom House, 31 pays africains ont vu leur score de démocratie diminuer au cours des cinq dernières années. Le rôle joué par les acteurs autoritaires extérieurs dans cette détérioration est en revanche moins bien perçu. La Russie se distingue à cet égard. Saper la démocratie est, entre autres, un objectif stratégique de la politique africaine de la Russie depuis une vingtaine d’années. Les gouvernements autoritaires qui ne disposent pas d’un système de contrôle et d’équilibre au niveau national créent un environnement propice à l’influence de la Russie sur le continent. La normalisation de l’autoritarisme à l’étranger valide les pratiques de gouvernance non démocratiques de la Russie à l’intérieur du pays.

La Russie perturbe les processus démocratiques à la fois par des voies officielles (comme le blocage des résolutions de l’ONU condamnant les violations des droits humains commises par les régimes africains ou les déclarations électorales frauduleuses) et par des moyens irréguliers (comme les campagnes de désinformation ciblant les partisans de la démocratie, l’ingérence dans les élections, le déploiement des forces paramilitaires de Wagner ou les passations de marchés illicites d’armes contre des ressources). La nature de ces interventions irrégulières étant volontairement opaque, la profondeur de l’intervention russe n’est souvent pas claire. Néanmoins, l’ampleur des efforts déployés par la Russie pour saper la démocratie en Afrique est remarquable, puisqu’elle a activement utilisé au moins l’un de ces outils dans 28 pays africains de part et d’autre du continent.

Ces interventions ont pour effet de contrecarrer les aspirations des trois quarts des citoyens africains qui souhaitent voir la démocratie s’épanouir dans leur pays, affaiblissant ainsi les voix, la souveraineté et l’autodétermination des Africains.

Points forts

  • L’ingérence russe pour saper la démocratie en Afrique se manifeste par toute une série de méthodes, la désinformation (22 pays visés), l’ingérence électorale (18) et le soutien à des revendications extraconstitutionnelles (15) étant les plus courantes.
  • Les méthodes d’ingérence démocratique de la Russie en Afrique tendent à se renforcer mutuellement. Les campagnes de désinformation s’accompagnent presque toujours d’efforts visant à s’immiscer dans les élections afin de maintenir au pouvoir des régimes favorables à Moscou, de soutenir la prolongation de leur mandat au-delà des limites prévues par la constitution ou de valider des coups d’État.
  • Le score médian de liberté de Freedom House (sur une échelle de 0 à 100) pour les pays africains dans lesquels la Russie sape le plus activement la démocratie (c’est-à-dire qu’elle commet quatre ou cinq des éléments identifiés comme la sapant) est de 22. À titre de comparaison, le score médian est de 43 (presque le double) pour les pays africains dans lesquels la Russie n’est pas reconnue comme tentant d’ébranler la démocratie.
  • La Russie contribue ainsi à empêcher que les droits politiques, les libertés civiles et le contrôle du pouvoir exécutif ne gagnent du terrain dans certains des systèmes autoritaires les plus durables du continent. Malgré des manifestations populaires massives en faveur de la démocratie dans des pays comme l’Algérie, la Guinée, le Soudan, l’Ouganda et le Zimbabwe, des régimes d’exclusion persistent donc encore.
  • L’exception notable à cette tendance à cibler des pays aux institutions démocratiques faibles est l’Afrique du Sud, qui est reconnue comme ayant certains des contrôles et équilibres les plus solides du continent. Cela reflète l’ouverture que la Russie pense pouvoir exploiter pour coopter les dirigeants sud-africains et gagner en influence.
  • 13 des 28 pays africains où la Russie s’emploie activement à saper la démocratie sont en conflit. Cela représente plus des trois quarts de tous les pays africains en conflit.
  • Nombre de ces conflits sont internes et résultent de la réticence des partis au pouvoir à le partager . Le fait que la Russie contrecarre la démocratie dans ces pays prolonge effectivement ces conflits en bloquant les solutions politiques issues de la médiation. Le soutien russe au gouvernement militaire du Soudan, par exemple, a contribué à faire échouer la transition démocratique prévue dans ce pays, précipitant le conflit qui s’en est suivi.
  • Ce n’est pas une coïncidence si 11 des 15 pays africains où les personnes déplacées de forces sont les plus nombreuses ont été la cible d’interventions russes visant à saper la démocratie.


Ressources complémentaires